Lorenzo Becker

Lorenzo

J'ai l'impression d'être sur le point de sauter du haut d'un pont en m'élançant sur cette page blanche. Tellement longtemps que je ne suis pas venu ici...Tellement longtemps que je me tiens à l'écart d'internet et de tout ce que j'y ai laissé, que m'y replonger subitement me fait me surprendre à ressentir de l'appréhension que je n'arrive pas à expliquer, un peu comme quand on rentre chez soi après un long voyage, et que bien qu'à première vue tout soit resté tel quel, on ne reconnaisse rien.

Il s'est passé du temps depuis les évènements dont vous avez vraisemblablement été au courant, et comme le monde(l'homme) est changeant, il m'est impossible d'avoir une idée précise de la façon dont je suis perçu aujourd'hui.
A l'heure où j'écris ces lignes, une vidéo où j'explique ce qui s'est réellement passé est lentement en train de s'uploader sur Youtube.
Je suis sur que vous comprendrez que je serai plus à même de re-communiquer avec vous tous une fois que vous l'aurez visionnée, et que vous m'ayez exprimés vos ressentis...

Je ne parlerai pas de cette histoire dans ces lignes, tout est dans la video.

Néanmoins, je tiens à faire quelques confidences à propos de moi, je suis sur que vous aurez remarqué à quel point je suis sélectif sur ce que je montre à propos de ma vie. Ainsi au final ce que j'appelle mon 'personnage' prend largement le dessus dans la balance lorsqu'il s'agit de dresser un véritable portrait de moi à travers les yeux d'une personne qui a suivi mon évolution au fil des années.

Je ne me reconnais pas quand on parle de moi.

Vous avez tous vu ces photos de mes débuts. J'avais un physique chétif, même pour mon jeune âge et déjà un esprit déjà allègrement
malmené par de nombreuses blessures permanentes. J'ai horreur de parler de ça, et j'ai déjà remarqué pourtant que certaines personnes dénonçaient et critiquaient le fait qu'il y soit fait allusion par moments. Si j'avais une vie différente avec des parents riches, un cercle social consolidé par des années de sincérité, un passé irréprochable je n'en parlerais pas plus que je parle aujourd'hui du fait que je sois orphelin et que ma vie de façon imagée est un linge blanc parsemé de coups de ciseaux et maculé de sang.
J'aurais largement pu m'étendre sur le sujet, me rouler dans des bains de compassion boueuse mais pour faire cela j'aurais du être une personne avec des convictions différentes et une vision des choses qui m'aurait persuadé à tord que raconter ma vie à des inconnus allait soit l'améliorer soit me mener quelque part... Je ne serais alors jamais arrivé aussi loin en bondissant dans la gueule du loup, vous ne m'auriez sûrement jamais connu et si j'en avait parlé c'eut été bien loin des yeux et des clics des internautes ; en me roulant dans un autre bain; celui des pleurnicheries.
Non, j'en parle car vous devez savoir d'où je viens pour mesurer le véritable chemin que j'ai parcouru et ainsi pleinement comprendre ma réelle motivation : Fuir.

Je me rappelle exactement de comment je me sentais une dizaine d'années en arrière, dans mon corps, dans ma tête, dans ma façon de raisonner, de me positionner par rapport aux autres, d'aborder les obstacles, d'exprimer mes émotions..
J'ai toujours mené ma vie en ayant conscience que quelque chose clochait chez moi. J'étais déjà assez lucide pour comprendre que j'étais pas foutu mais que ça allait être assez...compliqué.
Je faisais partie des proscrits quand j'étais plus jeune. De ceux qui n'arrivent pas à s'intégrer même si le monde conformiste et la masse grouillante a quelque chose de rassurant qui fait qu'on veuille s'y joindre, je faisais partie de ceux qui se retrouvent tout seuls, et qui à force de se sentir différents le deviennent vraiment.

Les choses que j'ai vécues ont fait de moi quelqu'un avec très peu d'attaches. J'accorde peu d'importance au matériel, à l'argent, et à pratiquement tout ce que l'on peut toucher ou posséder. J'ai toujours été à droite, à gauche, dans une ville puis dans une autre dans une maison puis dans une autre avec encore de nouveaux visages et il en a été ainsi avec tout un tas d'éléments et d'endroits dans lesquels les fondations de la vie sont bâties.

J'ai constaté que mon esprit et mon coeur sont nettement plus attirés par les choses immatérielles; l'amour, l'amitié, la conscience, l'éternité. L'éternité des souvenirs, des marques qu'on laisse de par nos achèvements.

C'est pour cela que je mise autant sur mes relations. Que j'aime autant quand j'aime. La solitude dans laquelle je me suis auparavant réfugié pour être sûr d'être seul maître de ma vie a fini par me couper du monde et me faire salement souffrir et aujourd'hui je cherche désespérément à la fuir. La personne que j'aime est la priorité absolue dans ma vie. Je me sens serein à ses cotés. Les gens ne me croirons jamais mais je suis incapable de vivre, d'avancer, de m'entrainer sans la certitude inébranlable que cet amour est omniprésent et intact. Je maudit chaque jour cette paranoïa , cette faiblesse, cette faille, cette dépendance en moi mais je dois vivre avec.

J'ai les mains qui tremblent. à qui j'écris? pourquoi je dis tout ça? j'ai vraisemblablement besoin d'écrire...ou de parler?

Je suis entouré de flou. Je me sens un peu débile, j'ai envie de tout effacer, mais il faut que ça sorte, il faut que je réapparaisse. J'ai peur de dire tout ça à un clavier, je sais que j'envoie les mots de mon coeur dans la fosse a purin. Je connais internet, mais dans la vie je suis quelqu'un qui dit toujours ce qu'il pense, chose que je ne fais ABSOLUMENT PAS depuis que je suis 'sous les feux de la rampe'.

Certains mots du quotidien que des milliards d'individus emploient naturellement sont comme des zones de nuit en plein jour pour moi. Maman, Papa, famille, par exemple. Je ne les emploie pas, ou rarement, et quand je le fais je remarque toujours ce sentiment dérangeant d'inconnu. C'est comme si on vous parlait d'un violoniste italien du XIVeme alors que vous avez l'oreille électronique ou que quelqu'un vous demande ce que vous pensez d'un film qu'il a vu mille fois, et dont vous n'avez jamais entendu parler que de l'affiche.

J'essaie d'illustrer mes ressentis car ils sont difficiles à décrire...ce que j'essaie de dire c'est que des choses sont manquantes en moi, et que j'en ai conscience. Je ne suis pas partisan de tous ces discours incitant à faire une croix sur le passé et à faire comme si tout allait bien. Ces manques m'ont façonné tel que je suis aujourd'hui et le résultat n'est pas celui qui me séduit le plus, d'autres perspectives de vies m'auraient sans aucun doute davantage réjoui mais le monde est vaste et complexe il fourmille d'individus et d'histoire et je me répète chaque jour que ça aurait pu être bien pire.
J'aurais quand même préféré avoir une famille plutôt qu'un chèque lors des premières années.

Je me suis consacré avec ardeur à la construction de ce corps afin qu'il soit suffisamment robuste pour entourer un esprit fragilisé et trop vulnérable. Je n'ai pas de problème d'égo par rapport à cela.
Je suis une personne sensible. Je pleure d'amour, je pleure d'espoir, je pleure d'angoisse, et parfois même sans raisons. Je ne serais jamais devenu bodybuilder avec un début de vie différent j'en suis convaincu.

Ce que je sais c 'est que dans mon malheur j'ai trouvé un moyen de m'en sortir. J'ai eu la chance de voir une faille d'espoir s'entrouvrir et s'élargir à mesure que ma popularité et mon niveau grimpaient et j'ai tout fait pour mettre toutes les chances de mon coté.
Ca a été franchement difficile j'aime pas forcément soulever de la fonte , m'entraîner, faire toutes ces choses qui me séparent de mon objectif. Alors j'ai rendu ma tâche plus intéressante en filmant mon épopée depuis le début, en la romançant, en l'imageant avec toutes ces vidéos, en la partageant avec d'autres.

Au début c'était juste pour garder un souvenir de tout ça, pour pouvoir m'y replonger à n'importe quel moment, regarder le long film d'une histoire, mon histoire.

Le fait que des gens se sentent concernés, soient intéressés ou impressionnés par ce que je fais, qu'il en découle de la motivation qui va mener à l'émergence d'autres athlètes qui seront des exemples pour d'autres et ainsi de suite, c'est quelque chose d'indescriptible. J'ai l'impression de contribuer au développement d'une grande cause, de mettre ma pierre dans un édifice colossal, et je ne parle pas du bodybuilding mais bien du monde vivant, des gens qui doutent et se sentent mal dans un corps qu'ils veulent changer, ceux qui veulent conquérir, progresser, exprimer leur rage, surmonter des moments difficiles en faisant dont de soi dans le sport...C'est un véritable honneur que de faire partie de l'arsenal dont les gens s'équipent pour de pareilles quêtes.

J'aime cette 'place' qui a été attribuée à mon personnage dans le quotidien des gens, sur leurs écrans...
J'ai aimé rencontrer chacune des personnes que j'ai croisé dans ce milieu, passer du temps avec elles, apprendre à les connaître, comprendre leur cheminements et ce qui les poussaient à s'engager dans la quête du dépassement de soi car chacun vient y chercher une récompense qui lui est propre. J'ai aimé être altruiste et partager, j'ai aimé me faire dénigrer et user de mon seul talent pour fermer les gosiers clinquants, j'ai aimé mon reflet dans les yeux des plus jeunes et je suis très touché par une telle reconnaissance, c'est mon histoire mais si je devais l'écrire je devrais forcément parler de tous ces gens car ils m'ont apporté plus qu'ils ne l'imaginent sans doute et ma seule façon de le leur faire savoir - de vous le faire savoir, c'est de l'écrire..et voici mon secret, utilisé pour panser les plaies que l'insécurité et le manque de confiance ont marquées en moi, révélé au grand jour...
J'ai aimé cette relation avec vous; même si cela fait bien longtemps que je me suis fait dépasser par ce que mon nom représente aujourd'hui et le fait qu'internet soit hors de contrôle.

Il n'existe pas de sensation comparable à mon sens que la fierté et la joie ressenties lorsque l'on parvient à concrétiser un rêve qui nous est cher.
Le mien est brisé.
Non il n'est pas brisé.
Enfin, il est brisé, mais j'ai encore les morceaux, j'ai encore le droit et le temps de le recoller, ou de croire que je vais arriver à le recoller. Jusqu'à mes 23 ans révolus. L'heure tourne, et c'est vrai que le temps c 'est de l'argent, et c'est vrai qu'il est la donnée principale de toute équation; les projets, les relations, la vie...

Ce que je retiens et que je garde de mes 21 premières années de (sur)vie, c 'est qu'elles mont appris la patience, la détermination, et surtout la Valeur Miroir. La Valeur Miroir c'est se comporter tel un miroir, un reflet. Traiter chaque personne comme elle le mérite, en toutes circonstances.

Voilà pour ma véritable nature.
J'ai survécu comme ça.

LB

Non, je n'aurai aucune parole à l'égard de tous ces pauvres lâches qui m'ont pourri, fièrement équipés de leur camouflage cybernétique, si ce n'est que j'aurais aimé voir si vous auriez quand même publié vos déjections si j'avais été à côté de vous au moment de cliquer.